En ce temps là, il n'y avait rien, seulement le vide.
Un vide insensible et aveugle.

Ce vide insensible et aveugle aimait penser, de temps en temps, seulement de temps en temps.
Et chaque fois qu'il pensait, ses pensées restaient suspendues, flottant dans le vide.

Les pensées commencèrent à s'ajouter les unes aux autres et elles firent connaissance, dans le vide.
 Et elles se mirent à jouer. À force de jouer, elles créèrent de nouvelles pensées.

Sur le vide se mirent à pousser des sortes d'excroissances, comme des bosses... et ces bosses éclatèrent et elles créèrent des mots, parce que le vide était insensible et aveugle, mais pas muet.

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Rapidement, les mots se mirent debout et ils commencèrent à se différencier: les uns devinrent des plantes grimpantes, des arbustes et des fleurs des champs, les autres devinrent de

l'eau, d'autres encore se mirent à nager et se transformèrent en poissons, et d'autres se mirent à penser et devinrent des pierres. Les mots capables de voler se firent oiseaux.

Jusqu'à ce que les mots, lassés de nommer, décidèrent d'être nommés: Ils dirent femme, ils dirent homme et les mots « Femme» et « Homme» se mirent en chemin, se rencontrèrent, se

nommèrent et s'aimèrent. Ensuite, ils nommèrent les mots. C'est ainsi qu'apparut le mot « Maison» et la femme et l'homme l'habitèrent. Ils dirent « Table» et il y eut un endroit

où s'asseoir et manger.
Puis ils dirent « Mot» et le premier outil apparut.
Et assis autour du mot « Feu», la femme et l'homme se racontèrent les premières histoires.

 

conte: "LES MOTS" de Nicolas Buenaventura Vidal

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