LES CRÈCHES DE NOEL... RACONTÉES PAR AUGUSTE LAFORÊT...N° 6
29 déc. 2012*
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6) "Les Crèches, théâtres mécaniques dont les personnages sont des automates plus ou moins bien articulés, et les pastorales, vrais mystères, dont les personnages dont des acteurs plus ou moins habiles, rivalisent entre elles de hardiesse dans la création des anachronismes dont nous avons déjà parlé ; mais chacune reste sur son terrain et cherche à faire surtout de la couleur locale.
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Ainsi la Crèche du quartier de nos pêcheurs, exhibe le Saint-Roch, bateau de « la santé » (intendance sanitaire), qui va annoncer la naissance du Messie aux vaisseaux en quarantaine aux îles de Pomegue et Ratonneau.
La pastorale du quartier de la gare fait arriver les rois mages à Bethleem en chemin de fer ; la crèche voisine de la Canebiere et des rue Paradis et Saint-Ferréol, centre de notre industrie, montre le palais de l’Exposition Universelle !
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Crèches et pastorales qui, si elles ont chacune leur caractère particulier et distinctif, se rapprochent pour démentir, par un accord tout à fait de bon goût, le reproche d’incivilité adressé à notre peuple, puisque par une tradition constamment observée, le français y est réservé aux habitants des cieux, aux purs esprits, aux anges, tandis que le provençal est abandonné aux humbles habitants de la terre ; crèches et pastorales, enfin qui se partagent la faveur de notre population et la voit accourir à leurs représentations (renouvelées jusque à quatre fois les jours de fête), par famille, par maison, souvent par rues entières.
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Il se trompait donc, celui de nos compatriotes qui, il y a une dizaine d’années, mentionnait la crèche Marseillaise, dans un article qu’il intitulait « les usages qui s’en vont » ! Oui, il se trompait ; la congrégation de l’Oratoire qui a importé la crèche au milieu de nous, a disparu.
Il ne reste plus que quelques ruines de l’église des Accoules, qui la première lui a donné asile dans nos murs, mais la crèche leur a survécu. Elle a bravé le temps qui dévore tout, et je la crois destinée à vivre longtemps encore.
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Si les détails que je viens de donner ne suffisaient pas, j’en trouverai une preuve de plus dans les 18.000 santons qui se sont vendus cette année à la foire du Cours, la meilleure qui ait eu lieu depuis bien longtemps, me disait le doyen de cette foire spéciale, celui qui depuis quarante ans en occupe la première baraque.
Et si la crèche, représentation matérielle et palpable de la nativité du Sauveur devait jamais disparaître, elle resterait encore, sous le même nom, l’image la plus douce, le symbole le plus touchant de ce mystère d’amour, de dévouement de charité...
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Voyez : la Crèche ne se présente-t-elle pas à l’entrée de ce vaste édifice que la charité ingénieuse, si prévoyante, de nos jours, a élevé pour y donner asile, soulagement, consolation à toutes les misères humaines ? N’est-ce pas à la Crèche que la Sœur de Saint Vincent de Paul commence sa sainte mission ?
N’est-ce pas à la Crèche, dans la couche où elle le dépose, sur ses bras où elle le berce, que l’enfant du pauvre continue à recevoir ses soins, ses caresses, qui lui feraient défaut pendant de si longues heures du jour sans cette seconde mère ?
Seconde mère qu’il retrouvera vingt ans plus tard, aussi tendre, aussi dévouée, aussi admirable dans les choses suprêmes qu’elle le fut dans les choses infimes, lorsqu’il tombera sur la terre étrangère, frappé d’un plomb mortel, ou victime du fléau indien."
Article d'Auguste Laforet, Revue de Marseille, AD des HA, N° 1 - 1856
Texte proposé par Gérard Robette-Papet et photos de Jean Claude Gosselin prises lors de l'exposition des crèches organisée par le Comité d'animation de Groffliers